jeudi 17 mars 2022

Manuel de bibliographie historique - Langlois

 


 

LANGLOIS (Charles-Victor).

Manuel de bibliographie historique. I. Instruments bibliographiques. II. Histoire et organisation des études historiques.

Paris, Hachette, 1901-1904. 


Fort in-8° (150 x 195 mm.) sous une demi-reliure de simili bleu à coins, couverture (défraîchie) conservée, XI, 623 p.
 

Compte-rendu de Charles Mortet :
   En composant ce manuel, M. Langlois s'est proposé de faire connaître d'abord les répertoires bibliographiques qui renseignent sur les travaux déjà publiés dans les divers domaines de l'histoire, puis les autres instruments créés par les érudits pour faciliter les études ou les recherches historiques. La première partie a eu successivement deux éditions, l'une en 1896, l'autre en 1901, dont j'ai rendu compte dans la Bibliothèque de l'École des chartes (t. LVII, 1896, p. 431 ; t. LXII, 1901, p. 388). La seconde, dont le plan général avait été annoncé dès 1901, mais dont l'exécution était, comme on le verra, particulièrement longue et difficile, n'a paru que trois ans plus tard, en 1904. Pour l'avoir un peu attendue, le public studieux auquel elle est destinée n'a rien perdu, bien au contraire ; et je ne sais ce qu'on doit le plus admirer, dans ce fascicule de 380 pages, de l'abondance des notions précises et substantielles qu'il contient ou de la merveilleuse clarté avec laquelle ces notions sont présentées au lecteur qui se les assimile sans effort.
   Les instruments de travail (autres que les bibliographies) qui servent aux recherches historiques sont : 1° les inventaires de documents et les recueils de textes, dans lesquels il est commode de trouver réunies les indications de sources ou les sources mêmes de l'histoire d'un pays, d'une région, d'une institution, d'un ensemble de faits déterminés ; 2° les revues périodiques, générales ou spéciales, et les publications annuelles des Sociétés savantes, qui recueillent et centralisent, dans chaque ordre de recherches, les résultats nouveaux obtenus par les érudits ; 3° les répertoires de mots, de noms, de dates ou de faits (lexiques, dictionnaires), dans lesquels sont classés par catégories (linguistique, onomastique, chronologie, biographie, etc..) les renseignements que l'on peut extraire des documents historiques ; 4° les manuels, traités et autres ouvrages de conclusions scientifiques, où sont résumées et groupées les conclusions d'innombrables monographies. Ces instruments de travail sont fort nombreux, de date, de forme et de valeur diverses, nés plus souvent d'initiatives isolées que d'efforts coordonnés suivant un plan général ; l'outillage des sciences historiques est plus encombrant et plus disparate que celui de la plupart des autres sciences. Aussi importerait-il, là plus qu'ailleurs, d'épargner aux étudiants et aux chercheurs des tâtonnements pénibles, en leur faisant connaître, non seulement l'existence, mais le mode de formation, la valeur scientifique et l'utilité actuelle de ces divers instruments. M. Langlois ne s'est pas proposé, dans son manuel, une œuvre aussi vaste et aussi complexe ; à l'heure actuelle, « personne n'est en état de parler avec une égale compétence des instruments qui servent aux historiens de l'antiquité, du moyen âge et des temps modernes. » Ce résultat ne peut être atteint que par divers enseignements pratiques, donnés chacun dans des écoles spéciales, ou par une série de guides analytiques et descriptifs, écrits chacun par des spécialistes. Ce qui était possible dans un manuel général, c'était de signaler et de classer, sans les étudier en détail (mais en renvoyant le cas échéant aux livres où cette étude de détail a déjà été faite), les recueils de textes et de dissertations, les répertoires de mots et de choses qui ont été composés à diverses époques, dans toutes les branches de l'érudition historique, et qui ont gardé quelque valeur pratique. C'est là ce qu'a voulu faire M. Langlois. Les indications qu'il donne auraient pu être rangées dans un ordre systématique, correspondant aux divisions actuelles de l'histoire ; il a jugé plus instructif de les encadrer dans un exposé chronologique, qui fait comprendre sous l'influence de quelles idées et de quelles circonstances sociales l'érudition historique a évolué depuis quatre siècles et s'est développée d'une façon si remarquable dans la plupart des pays civilisés. Il en résulte que cette seconde partie du manuel n'est pas seulement un répertoire où sont classés les instruments de travail autres que les bibliographies, mais encore une esquisse générale de l'organisation des études historiques depuis la Renaissance jusqu'à la fin du XIXe siècle. Elle est divisée en deux livres, l'un exposant le développement de ces études en Europe pendant le XVIe, le XVIIe et le XVIIIe siècle, l'autre décrivant leur organisation au xixe siècle dans les principaux états d'Europe et d'Amérique.
   I. Si la méthode et la critique historiques n'étaient pas chose inconnue avant le XVe siècle, il faut reconnaître que pendant l'Antiquité et le Moyen Âge les conditions matérielles du travail étaient extrêmement défectueuses et limitaient singulièrement les moyens d'information et de comparaison dont un historien doit pouvoir disposer. Ce furent la Renaissance et la Réforme qui donnèrent l'impulsion au grand mouvement d'organisation des études historiques. Les recherches passionnées entreprises par les humanistes italiens, français et allemands pour retrouver l'antiquité gréco-romaine, les controverses érudites sur l'état primitif et les transformations de l'Église chrétienne, auxquelles se livrèrent les érudits protestants et catholiques du XVIe siècle pour justifier leurs croyances respectives, eurent pour effet de sauver de la destruction un grand nombre de documents littéraires et archéologiques, qu'il y a encore intérêt à consulter aujourd'hui, au milieu des commentaires et des systèmes vieillis qu'ils ont servi à édifier. C'est au XVIe siècle que furent composés les premiers dictionnaires érudits de la langue grecque et de la langue latine (Robert et Henri Estienne), que furent esquissés le plan et la méthode des sciences auxiliaires de l'histoire, chronologie (Scaliger), épigraphie (Gruter), numismatique (Ant. Augustinus), que furent inaugurées, par des collections de Scriptores ou de Leges, les études relatives à l'histoire nationale des peuples européens pendant le Moyen Âge ; il suffit de citer pour l'Allemagne les noms de Freher, Lindenbrog, Goldast, Sichard, Herold ; pour la France, ceux de Pithou et de Bongars, auxquels succèdent, pendant la première moitié du XVIIe siècle, les Duchesne, les Du Puy, les Godefroy.
   À partir du milieu du XVIIe siècle, le goût des idées générales mis à la mode par les Cartésiens et l'essor des sciences positives (mathématiques et naturelles) semblent avoir, en France notamment, détourné de l'étude du passé beaucoup d'esprits éminents. Néanmoins, les ouvrages d'érudition historique sont nombreux et les instruments de travail se multiplient de tous côtés. Les antiquités classiques, négligées en France, furent surtout étudiées en Hollande (recueils de Graevius, de Gronovius, de Vossius), en Italie (Fabretti), en Angleterre (Bentley). Dans notre pays, ce sont principalement les antiquités chrétiennes, l'histoire ecclésiastique, civile et littéraire de la France qui occupent les érudits. Mais, dès lors, la plupart d'entre eux ne travaillent plus isolément ; ils associent leurs efforts et leurs recherches pour entreprendre de grands travaux collectifs. Les uns, membres du clergé régulier, trouvent, dans la congrégation dont ils font partie, le lien qui les unit pour une œuvre commune ; les autres, laïques, se groupent pour former des cercles littéraires (Lamoignon, Bouhier) ou des académies placées sous la protection et la surveillance du pouvoir royal. De là sont sorties toutes ces collections de textes ou de mémoires, ces histoires littéraires ou ecclésiastiques qui font si grand honneur à l'érudition française du XVIIe et du XVIIIe siècle et qui comptent encore parmi les meilleurs instruments de travail historique. En un substantiel résumé, M. Langlois marque nettement la part qui revient, dans ce vaste labeur, aux membres de la Compagnie de Jésus (Labbé, Sirmond, Hardouin, en France ; Bolland, Henschen, Papebroch, dans les Pays-Bas autrichiens), aux Oratoriens (Richard Simon, J. Lelong), aux Bénédictins de la congrégation de Saint-Vanne (D. Calmet, D. Ceillier) et surtout de la congrégation de Saint-Maur (D. d'Achery, Mabillon, Montfaucon, de Sainte-Marthe, Bouquet, Ruinart, etc.), à la Société de Port-Royal (Lenain de Tillemont), aux érudits laïques tels que Ducange, Baluze, H. et A. de Valois, aux médiévistes qui étaient membres de l'Académie des inscriptions et belles-lettres (Lebeuf, Lacurne de Sainte-Palaye, E. de Laurière, Bréquigny, etc.). Les travaux d'érudition historique entrepris à l'étranger pendant la même période sont plus brièvement exposés. M. Langlois signale surtout, en Allemagne, l'influence considérable exercée par Leibniz sur les publications de textes (Eckhart, Lunig, Dumont) et sur les fondations d'Académies savantes ; en Italie, l'influence analogue de Muratori ; en Angleterre, les travaux de Rymer, Wharton, Wilkins, Dugdale ; en Espagne, ceux d'Antonio, etc....
   II. Le second livre, qui décrit l'organisation des études historiques au XIXe siècle, est à la fois le plus développé et le plus original du manuel. Après avoir montré comment, pendant cette dernière période, le domaine de l'histoire s'est élargi à la fois « du côté de la très haute antiquité et du côté des temps modernes », comment la méthode historique a été « introduite dans toutes les sciences qui ont l'homme et les phénomènes de l'esprit humain pour objet », comment enfin, pendant le dernier tiers du XIXe siècle, l'impulsion donnée aux études historiques a été plus vive et plus féconde que jamais, M. Langlois passe en revue, dans chacun des États du monde civilisé, les divers organes par lesquels s'est manifestée cette extraordinaire activité. Il fait voir, preuves en mains, dans quelle mesure l'intervention des pouvoirs publics d'une part, l'initiative des sociétés savantes et des corps enseignants de l'autre, ont contribué à faciliter l'accès des documents, à multiplier les instruments de travail, à coordonner et à centraliser les recherches individuelles. Pour la France, le tableau des efforts entrepris et des résultats obtenus était relativement facile à tracer ; on avait à portée de main d'abondants renseignements. Mais pour les pays étrangers, la tâche était plus ardue, plus longue, à certains égards entièrement neuve. Pour obtenir des renseignements précis et complets, M. Langlois n'a épargné ni lectures, ni correspondances, ni voyages ; quand il n'a pu contrôler personnellement les renseignements qui lui étaient fournis par les livres et les revues de l'étranger, ou quand ces livres et ces revues étaient publiés dans une langue avec laquelle il n'était pas familiarisé (idiomes Scandinaves, russe, grec moderne, etc.), il a pris soin de recourir à la compétence spéciale d'autres érudits. Le public français ne peut que lui être reconnaissant de lui avoir donné, en un clair résumé de 200 pages, une foule de notions qu'il aurait eu grand'peine à trouver ailleurs. – De ce que contiennent ces 200 pages, on comprendra que je ne puis donner une analyse, même sommaire. Je me bornerai à signaler, à titre d'exemples : dans le chapitre spécial à la France, le tableau raisonné des publications entreprises aux frais de l'État par les divers comités ou services institués au ministère de l'Instruction publique, et par les établissements d'enseignement supérieur qui dépendent de ce ministère ; dans le chapitre spécial à l'Allemagne et aux pays de langue allemande, un exposé fort intéressant des travaux d'érudition historique dirigés par les Académies de Berlin, de Vienne, de Munich, et des travaux d'histoire régionale ou locale dus aux commissions officielles que subventionnent les Landes-Provinzial ou Kreisregierungen ; dans le chapitre spécial à l'Angleterre, la constatation des heureux résultats que donnent, d'une part la libre initiative des Universités et des sociétés d'histoire ou d'archéologie nationale, et d'autre part, l'intervention officielle du Record office, s'attachant surtout à signaler aux érudits, par des inventaires, les documents déposés dans les archives de l'État, dans celles des villes, des corporations et même des familles.
   Le grand mouvement historique qui caractérise le XIXe siècle ne s'est pas manifesté seulement par le développement, dans chaque nation civilisée, des études relatives au passé ; il a donné naissance à des essais d'organisation internationale que M. Langlois expose dans le dernier chapitre de son livre. Beaucoup de recherches historiques d'un intérêt général, qui se poursuivent parallèlement et isolément de divers côtés, pourraient aboutir plus rapidement à des résultats plus complets et plus solides, s'il s'établissait entre les érudits de chaque nation qui s'occupent de ces recherches une entente et une collaboration effectives. Aux siècles précédents, l'exemple de cette coopération internationale avait été donné, soit par les Bénédictins, soit par les Jésuites de différents pays, qui entreprenaient en commun de vastes publications de textes se rapportant principalement à l'histoire ecclésiastique. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, ce sont d'abord les revues internationales d'histoire et de philologie qui ont rapproché les spécialistes de différents pays en centralisant leurs travaux dans le même organe de publicité. Puis des congrès internationaux (Orientalistes, Américanistes, archéologie chrétienne, histoire générale) ont permis, à des intervalles réguliers, des échanges de vues et de résolutions communes. Enfin sont nées tout récemment des associations internationales permanentes, encore peu nombreuses, mais qui sans doute iront en se multipliant. Les grandes Académies ont pris la tête du mouvement. Déjà en 1892 les Académies de Berlin, de Vienne et de Munich avaient formé avec la Société des sciences de Leipzig et celle de Göttingen une fédération en vue de travaux philologiques (Thesaurus linguae latinae). Ce premier groupement, à la suite d'une entente avec la Société royale de Londres, s'est transformé en une Association internationale des dix-huit principales Académies du monde, qui s'est réunie pour la première fois en 1901 et qui a décidé un certain nombre de publications communes dont les études historiques recueilleront le principal bénéfice.
   Le manuel se termine par un index alphabétique qui permet de retrouver aisément les noms de personnes et de lieux, les titres de collections et de revues qui sont cités dans les deux parties de l'ouvrage, ainsi que les principales questions qui y sont traitées.

 


Bibliographie :
   - Mortet (Charles), Ch.-V. Langlois. Manuel de bibliographie historique, dans Bibliothèque de l'École des chartes, Année 1905 - 66, pp. 287-292.

30 euros (code de commande : 00021).

 

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