lundi 14 mars 2022

Peinture japonaise, par Maurice Coyaud

 


COYAUD (Maurice).

L'Empire du regard. Mille ans de peinture japonaise.

Paris, Phébus, 1981.

 


In-4° (245 x 310 mm.) sous reliure et jaquette (un peu défraîchie) d'éditeur, 258 p., tache au bas du dos de la jaquette qui a déchargé sur la toile, nombreuses illustrations en noir et en couleurs.


Sur la jaquette :
   L'art du pinceau a toujours été, pour les Japonais, la voie par excellence de l'expression du moi intime : celle en tout cas que leur imagination élit le plus spontanément. « Aucun peuple au monde n'aura laissé dans le domaine de la peinture un patrimoine aussi démesuré – si l'on tient compte de la modestie de l'espace géographique qu'il occupe, nous prévient d'emblée Maurice Coyaud... C'est que le génie japonais, dans ce qu'il a de plus spécifique, s'est toujours donné carrière par prédilection dans le domaine du visuel. »
   À partir de là, l'auteur nous entraîne dans une promenade qui réservera quelques surprises au lecteur français, habitué à une tout autre image de l'art nippon. Lorsqu'on parle de peinture japonaise, l'amateur moyen pense aussitôt à Utamaro, Hokusai, Hiroshige, qui ont porté au point de raffinement que l'on sait la technique de l'estampe. On ne trouvera pas d'estampes dans ce livre, consacré à la peinture et à elle seule. On ne trouvera guère non plus de ces peintures brillantes, au style surtout décoratif, qui soulevaient l'enthousiasme des critiques d'art au début de ce siècle. Si elles ont connu un certain succès au Japon même (aux XVIe et XVIIe siècles principalement), elles sont assez peu représentatives de cet idéal de retenue, de discrétion, on voudrait presque écrire de silence, auquel les peintres de ce pays, dans leur grande majorité, ont toujours été impatients de se soumettre. Soumission en laquelle, paradoxalement, ils verront le meilleur moyen de conquérir une liberté dont peu de traditions picturales donnent à ce point l'exemple.
   Tandis qu'en Occident, l'œil du peintre s'applique à conquérir sans rien en excepter la totalité du visible, soucieux de densifier au maximum le petit espace de la toile, le regard japonais, lui, cherche au contraire à s'affranchir de la dictature des apparences, attentif à surprendre la moindre issue qui s'offre à son besoin éperdu d'évasion. « La Nature a horreur du vide », proclament d'une même voix la science et l'art occidentaux. Les peintres du Japon, à l'école des artistes chinois, nous remontrent qu'une telle opinion, si elle rassure nos esprits inquiets, nous prive de l'accès à un domaine qui, pour être au-delà du visible, n'en est pas moins réel. Et dans cette voie, ils s'emploieront à aller plus loin encore que leurs modèles. Courir droit à l'essentiel, élire le détail significatif sans s'embarrasser du reste, résister à la tentation du « remplissage » : ces principes, que suivront de leur côté les maîtres du haiku (ce poème de dix-sept syllabes où se trouve concentrée la quintessence de la poésie japonaise), guident constamment leur main. Rude discipline, mais payante ô combien ! Aucun art au monde ne donne cette impression de viser à la fois si haut... et si juste. Le voyageur qui veut aller loin ne doit pas s'encombrer de bagages inutiles. Soit. Les peintres nippons, leur humble besace en bandoulière, nous invitent à prendre à leur suite des chemins qui peuvent sembler modestes. Méfions-nous : ces chemins mènent en général bien au-delà des horizons de ce monde.
   La randonnée à laquelle nous convie l'auteur du présent ouvrage serait ainsi moins innocente qu'il y paraît. Maurice Coyaud nous le fait comprendre à demi-mot au fil des étapes qu'il a ménagées ici à notre émerveillement. Le choix même des images, qui écarte décidément tout superflu, va au reste dans ce sens. Sur la bonne centaine d'œuvres qui figurent dans ces pages, presque toutes en couleur, plus des trois-quarts proviennent des collections japonaises, publiques ou privées, la majeure partie d'entre elles n'ayant jamais été reproduites à ce jour dans un ouvrage de langue française. En les réunissant ici, on a voulu donner de la peinture japonaise une vision qui ne sera peut-être pas celle que le regard occidental attend. Elle s'est voulue en revanche aussi proche que possible de celle des peintres japonais eux-mêmes – dans ce qu'elle peut avoir de moins conformiste en tout cas. On veut croire que l'effet de surprise passé, le lecteur y trouvera son content.

Vendu.

 

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