RAOUX (Adrien-Philippe).
Essai d'un éloge historique de Viglius de Zuichem, d'Aytta, Chef & Président du Conseil Privé aux Pays-Bas, sous les Regnes de Charles V & de Philippe II, Proposé par l'Académie Impériale & Royale des Sciences & Belles-Lettres de Bruxelles, pour Prix d'Eloquence de 1780. Par M. Raoux, Avocat au Conseil souverain de Hainaut.
Bruxelles. 1787.
[Bruxelles.
/ M. DCC. LXXXVII.]
In-8° (140 x 228 mm.) sous son brochage d'époque, 39, [1 bl.] p., bon exemplaire.
Avertissement de l'auteur :
L'Académie
de Bruxelles n'a trouvé aucun des Éloges envoyés
à son concours, digne du prix qu'elle avoit proposé
extraordinairement en 1779. Je ne publie celui-ci en 1787, que
parce que les circonstances du temps semblent m'y inviter. Les
règnes de Philippe II & de Joseph II seront
les plus remarquables dans les annales des Pays-Bas ; fasse
le Ciel qu'ils n'aient pas des suites également fâcheuses !
Notre Auguste Souverain s'est déclaré
partisan de la Tolérance autant que le Monarque Espagnol
l'étoit de l'Inquisition ; puisse-t-il aussi par
un même contraste, & pour le repos de nos Provinces,
déployer des sentiments de modération & de
clémence autant que son Prédécesseur du
16e siecle témoigna de rigueur & d'inflexibilité !
Je publie cette pièce telle que je la
retrouve dans mon porte-feuille ; & comme je me retrouve
aussi dans tous les mêmes sentiments que lorsque je lui
ai donné l'être en 1780, je ne me suis permis d'y
rien changer, pas même d'y ajouter aucune période.
Je n'avois à cette époque tout au plus que 22 ans,
& la grace que je demande à mes Lecteurs, c'est qu'ils
veuillent bien mesurer leur indulgence à la foiblesse
de cet âge & de mes talens.
Notice biographique par Théodore
Juste :
Le jeune Viglius, après avoir terminé
ses premières études à Deventer et à
Leyde, reçut la tonsure cléricale le 19 septembre
1522. Il se rendit bientôt à l’Université
de Louvain et y demeura pendant près de quatre ans, se
livrant avec ardeur à l’étude du droit. De
Louvain il alla à l’Université de Dôle,
où il passa trois ans, d’abord comme élève
puis comme professeur particulier. Il compléta ses études
à Avignon, où il suivit les leçons du célèbre
André Alciat, et à Valence, en Dauphiné,
où il reçut le bonnet de docteur, le 8 mai 1529.
On le trouve ensuite à Bourges, remplaçant Alciat
dans la chaire confiée à ce professeur eminent,
et travaillant à son premier ouvrage, intitulé
: De Institutione jurisconsulti. Enfin, en 1531, il passe
les monts et obtient la chaire des Institutes à
l’Université de Padoue. Ce ne fut pas pour longtemps,
car il ne tarda point à être nommé official
de François de Waldeck, prince-évêque de
Munster. Après la défaite des anabaptistes, qui
s’étaient rendus maîtres de cette ville, Viglius
quitta François de Waldeck et accepta de l’électeur
de Bavière, avec le titre de conseiller, la chaire de
droit à l’Université d’Ingolstadt. Mais
le moment était venu où il allait mettre au service
de sa patrie sa grande intelligence et sa science profonde. Depuis
longtemps le gouvernement des Pays-Bas cherchait à s’attacher
le jurisconsulte que se disputaient les princes de l’Allemagne.
En 1541, par l’intervention de Marie de Hongrie, Viglius
fut nommé membre du conseil privé. On l’employa
tout aussitôt dans une négociation épineuse
avec le duc de Clèves, qui disputait à Charles-Quint
le duché de Gueldre et le comté de Zutphen. Deux
voyages à Nuremberg n’ayant eu aucun résultat,
Viglius défendit, dans un écrit apologétique,
les droits de l’Empereur, justifiant ainsi les efforts de
Charles-Quint pour compléter, par l’annexion de la
Gueldre et de Zutphen, la réunion des dix-sept provinces
qui formèrent désormais les Pays-Bas. Viglius préférant
une retraite studieuse à la carrière diplomatique,
sollicita bientôt (1543) et obtint son agrégation
au grand conseil de Malines. Mais Charles-Quint ne tarda point
à le rappeler à la cour et voulut qu’il l’accompagnât
à la diète de Spire. Avant d’entreprendre
ce nouveau voyage, Viglius épousa, à Malines, Jacqueline
Damant, dont le père était conseiller et trésorier
de l’Empereur. Nous le trouvons, l’année suivante,
à la diète de Spire (1544), où il fut le
principal négociateur du traité d’alliance
conclu entre Charles-Quint et le roi de Danemark. Sa participation
à la diète de Worms ne fut pas moins active, soit
qu’il s’efforçât d’aplanir les différends
survenus dans la famille impériale, soit qu’il intervînt
dans les délibérations que nécessitait l’attitude
menaçante des protestants d’Allemagne, naguère
ligués à Smalkade. Charles-Quint, ayant triomphé
des confédérés, réunit (1548) une
nouvelle diète à Augsbourg, où Viglius fut
de nouveau appelé pour donner un avis sur les grandes
questions soulevées par l’Empèreur victorieux.
Il avait obtenu précédemment la charge de conservateur
des archives de la Flandre, qui étaient déposées
dans la forteresse de Rupelmonde. Mais Charles-Quint lui réservait
une récompense plus éclatante. En 1549, il fut
élevé à la dignité de président
du conseil privé et de garde des sceaux. Le nouveau président
accompagna, dans les différentes provinces des Pays-Bas,
le prince Philippe, lorsque, pour se conformer au désir
de son père, il se fit inaugurer comme héritier
présomptif. Viglius, dit-on, prit la plus grande part
à la rédaction du fameux édit par lequel
Charles-Quint voulut, en 1550, arrêter les progrès
toujours croissants de la réforme dans les Pays-Bas. Mais
si Viglius était l’inflexible défenseur des
principes dont s’autorisait l’Empereur pour vouer au
fer et au feu les adversaires du catholicisme, il admettait toutefois
quelques tempéraments dans l’exécution. C’est
ainsi qu’il s’efforça d’exempter de la
proscription les négociants étrangers dont la présence
contribuait tant à la splendeur d’Anvers. « J’ai
travaillé de tout mon pouvoir, écrivit-il lui-même,
à faire adoucir les articles qui avaient besoin d’être
mitigés. »
Viglius, qui avait été également
élevé à la présidence du conseil
d’État, voulut terminer sa carrière le jour
où Charles-Quint abdiqua la souveraineté des Pays-Bas.
Il avait, en conséquence, demandé la démission
de ses différents emplois. Mais les sollicitations de
Marie de Hongrie et les exhortations de Charles-Quint lui-même
modifièrent sa première résolution. Il consentit
à servir Philippe II. Depuis 1552, il avait perdu
Jacqueline Damant, sa femme, et, n’ayant point d’enfants,
il voulut, en prenant les ordres sacrés, réaliser
un dessein qu’il avait formé dans sa jeunesse. Il
avait, du reste, la certitude d’obtenir par là une
position éminemment lucrative, celle de coadjuteur ou
de successeur désigné de Luc Munich, dernier abbé
de Saint-Bavon et premier prévôt de la collégiale
qui avait remplacé cette abbaye. En 1556, Viglius obtint
à cet effet l’assentiment de Philippe II, mais à
la condition de ne point abandonner le service du souverain.
Cette autorisation lui fut accordée par le saint-siége,
lorsque, en 1562, après la mort de Luc Munich, Viglius
eut pris possession de la prévôté et reçu
les ordres majeurs des mains de Granvelle, archevêque de
Malines. Prévôt de Saint-Bavon, président
du conseil privé et du conseil d’État, maître
des requêtes en Hollande, etc., Viglius fut encore investi
des importantes fonctions de chancelier de l’ordre de la
Toison d’or. Il n’avait donc rien perdu de la haute
faveur dont il jouissait sous le règne de Charles-Quint.
En effet, Philippe II, lorsqu’il s’éloigna
des Pays-Bas, l’avait placé, avec Granvelle et le
comte de Berlaymont, dans le comité secret ou consulte
qui devait diriger et surveiller Marguerite de Parme, nommée
gouvernante générale. Mais bientôt l’influence
occulte de cette consulte indisposa les autres membres du conseil
d’État et contribua à la formation du parti
national à la tête duquel se placèrent Guillaume
d’Orange, ainsi que les comtes d’Egmont et de Hornes.
Le Taciturne allait triompher : Granvelle reçut l’ordre
secret de sortir des Pays-Bas. Alors une nouvelle lutte s’engagea
entre les trois seigneurs ligués et les cardinalistes,
c’est-à-dire les anciens amis de Granvelle, lutte
tantôt sourde et tantôt ouverte, dans laquelle Viglius
montra de l’habileté, mais qui était au-dessus
de ses forces. La fermeté et l’énergie n’étaient
point les qualités dominantes du célèbre
président : c’était plutôt un politique
méticuleux, un homme timide qui courbait la tête
sous la tempête et qui rusait avec les événements.
Après avoir d’abord accueilli avec faveur le choix
du duc d’Albe comme successeur de Marguerite de Parme, il
eut soin de ne point se compromettre : aussi se gardait-il
de coopérer aux actes les plus tyranniques du nouveau
gouverneur. Il refusa de siéger au conseil des troubles.
Il protesta contre l’établissement du dixième
denier. D’un autre côté, il alléguait
sans cesse son grand âge et sa mauvaise santé pour
obtenir la démission de ses emplois. Enfin, en 1569, Philippe
II nomma Charles de Tysnacq chef et président du conseil
privé, mais il retint Viglius en la charge de président
du conseil d’État.
Sous l’orageuse administration du grand
commandeur Requesens, successeur du duc d’Albe, Viglius
tâcha de s’effacer autant que possible. Mais Requesens
étant mort presque soudainement, le conseil d’État
dut prendre les rênes du gouvernement. Or Viglius fut loin,
en ces conjonctures, de seconder le mouvement national qui avait
pour but d’affranchir les Pays-Bas de la tyrannie espagnole.
Dans le conseil d’État, il fit partie de la minorité
ultra royaliste et refusa en conséquence de sanctionner
la proscription ou mise hors la loi des vieilles bandes du duc
d’Albe, qui s’étaient insurgées et qui,
après avoir échoué dans leurs tentatives
contre Bruxelles, venaient d’emporter Alost d’assaut.
Accusé de trahison, Viglius fut arrêté, le
4 septembre 1576, avec les comtes de Mansfeldt et de Berlaymont,
conduit sur la Grand’Place, et emprisonné dans l’édifice
où les comtes d’Egmont et de Hornes avaient passé
leur dernière nuit. Le sort de Viglius et de ses deux
collègues fut moins tragique. Viglius avait recouvré
sa liberté lorsque don Juan d’Autriche, après
s’être accordé avec les états généraux,
fit son entrée solennelle à Bruxelles. Le vieux
conseiller de Charles-Quint et de Philippe II montrait d’ailleurs
peu de confiance dans le vainqueur de Lépante et prédisait
de nouveaux orages. Il ne les vit point, car il mourut à
Bruxelles, le 8 mai 1577, sept jours après l’installation
de don Juan. Le 14 mars précédent, Viglius, âgé
de soixante et dix ans, avait dicté un volumineux testament
dans lequel il exprimait formellement le vœu d’être
inhumé dans l’église de Saint-Bavon, à
Gand. Ce vœu fut accompli par ses exécuteurs testamentaires.
Viglius trouva le repos éternel dans la crypte de la célèbre
cathédrale. Il avait été constamment fidèle
à sa devise : Vita mortalium vigilia. Peu
d’hommes ont marqué leur vie par des veilles plus
laborieuses. La liste des ouvrages ou élucubrations
de Viglius remplit trois pages des Analectes de Hoynck
Van Papendrecht, qui a, du reste, consacré un volume tout
entier à cet homme eminent. Mais pour qui veut bien connaître
Viglius, mieux vaut lire sa correspondance que des ébauches
souvent indigestes.
Bibliographie :
- Juste (Théodore), Aytta, Viglius
D', dans Biographie nationale de Belgique, tome I,
col. 590-594.
45 euros (code de commande : 00009).
Si vous souhaitez obtenir d'autres informations n'hésitez à pas à me questionner (b.waterlot@hotmail.com).
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Toujours fort intéressantes, tes notices!
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