LANGLOIS (Charles-Victor).
Manuel de bibliographie historique. I. Instruments bibliographiques. II. Histoire
et organisation des études historiques.
Paris, Hachette, 1901-1904.
Fort in-8° (150 x 195 mm.)
sous une demi-reliure de simili bleu à coins, couverture
(défraîchie) conservée, XI, 623 p.
Compte-rendu de Charles
Mortet :
En composant ce manuel, M. Langlois s'est proposé
de faire connaître d'abord les répertoires bibliographiques
qui renseignent sur les travaux déjà publiés
dans les divers domaines de l'histoire, puis les autres instruments
créés par les érudits pour faciliter les
études ou les recherches historiques. La première
partie a eu successivement deux éditions, l'une en 1896,
l'autre en 1901, dont j'ai rendu compte dans la Bibliothèque
de l'École des chartes (t. LVII, 1896, p. 431 ;
t. LXII, 1901, p. 388). La seconde, dont le plan général
avait été annoncé dès 1901, mais
dont l'exécution était, comme on le verra, particulièrement
longue et difficile, n'a paru que trois ans plus tard, en 1904.
Pour l'avoir un peu attendue, le public studieux auquel elle
est destinée n'a rien perdu, bien au contraire ;
et je ne sais ce qu'on doit le plus admirer, dans ce fascicule
de 380 pages, de l'abondance des notions précises et substantielles
qu'il contient ou de la merveilleuse clarté avec laquelle
ces notions sont présentées au lecteur qui se les
assimile sans effort.
Les instruments de travail (autres que les
bibliographies) qui servent aux recherches historiques sont :
1° les inventaires de documents et les recueils
de textes, dans lesquels il est commode de trouver réunies
les indications de sources ou les sources mêmes de l'histoire
d'un pays, d'une région, d'une institution, d'un ensemble
de faits déterminés ; 2° les revues
périodiques, générales ou spéciales,
et les publications annuelles des Sociétés savantes,
qui recueillent et centralisent, dans chaque ordre de recherches,
les résultats nouveaux obtenus par les érudits ;
3° les répertoires de mots, de noms, de dates
ou de faits (lexiques, dictionnaires), dans lesquels sont classés
par catégories (linguistique, onomastique, chronologie,
biographie, etc..) les renseignements que l'on peut extraire
des documents historiques ; 4° les manuels, traités
et autres ouvrages de conclusions scientifiques, où sont
résumées et groupées les conclusions d'innombrables
monographies. Ces instruments de travail sont fort nombreux,
de date, de forme et de valeur diverses, nés plus souvent
d'initiatives isolées que d'efforts coordonnés
suivant un plan général ; l'outillage des
sciences historiques est plus encombrant et plus disparate que
celui de la plupart des autres sciences. Aussi importerait-il,
là plus qu'ailleurs, d'épargner aux étudiants
et aux chercheurs des tâtonnements pénibles, en
leur faisant connaître, non seulement l'existence, mais
le mode de formation, la valeur scientifique et l'utilité
actuelle de ces divers instruments. M. Langlois ne s'est pas
proposé, dans son manuel, une œuvre aussi vaste et
aussi complexe ; à l'heure actuelle, « personne
n'est en état de parler avec une égale compétence
des instruments qui servent aux historiens de l'antiquité,
du moyen âge et des temps modernes. » Ce résultat
ne peut être atteint que par divers enseignements pratiques,
donnés chacun dans des écoles spéciales,
ou par une série de guides analytiques et descriptifs,
écrits chacun par des spécialistes. Ce qui était
possible dans un manuel général, c'était
de signaler et de classer, sans les étudier en détail
(mais en renvoyant le cas échéant aux livres où
cette étude de détail a déjà été
faite), les recueils de textes et de dissertations, les répertoires
de mots et de choses qui ont été composés
à diverses époques, dans toutes les branches de
l'érudition historique, et qui ont gardé quelque
valeur pratique. C'est là ce qu'a voulu faire M. Langlois.
Les indications qu'il donne auraient pu être rangées
dans un ordre systématique, correspondant aux divisions
actuelles de l'histoire ; il a jugé plus instructif
de les encadrer dans un exposé chronologique, qui fait
comprendre sous l'influence de quelles idées et de quelles
circonstances sociales l'érudition historique a évolué
depuis quatre siècles et s'est développée
d'une façon si remarquable dans la plupart des pays civilisés.
Il en résulte que cette seconde partie du manuel n'est
pas seulement un répertoire où sont classés
les instruments de travail autres que les bibliographies, mais
encore une esquisse générale de l'organisation
des études historiques depuis la Renaissance jusqu'à
la fin du XIXe siècle. Elle est divisée en deux
livres, l'un exposant le développement de ces études
en Europe pendant le XVIe, le XVIIe et le XVIIIe siècle,
l'autre décrivant leur organisation au xixe siècle
dans les principaux états d'Europe et d'Amérique.
I. Si la méthode et la critique historiques
n'étaient pas chose inconnue avant le XVe siècle,
il faut reconnaître que pendant l'Antiquité et le
Moyen Âge les conditions matérielles du travail
étaient extrêmement défectueuses et limitaient
singulièrement les moyens d'information et de comparaison
dont un historien doit pouvoir disposer. Ce furent la Renaissance
et la Réforme qui donnèrent l'impulsion au grand
mouvement d'organisation des études historiques. Les recherches
passionnées entreprises par les humanistes italiens, français
et allemands pour retrouver l'antiquité gréco-romaine,
les controverses érudites sur l'état primitif et
les transformations de l'Église chrétienne, auxquelles
se livrèrent les érudits protestants et catholiques
du XVIe siècle pour justifier leurs croyances respectives,
eurent pour effet de sauver de la destruction un grand nombre
de documents littéraires et archéologiques, qu'il
y a encore intérêt à consulter aujourd'hui,
au milieu des commentaires et des systèmes vieillis qu'ils
ont servi à édifier. C'est au XVIe siècle
que furent composés les premiers dictionnaires érudits
de la langue grecque et de la langue latine (Robert et Henri
Estienne), que furent esquissés le plan et la méthode
des sciences auxiliaires de l'histoire, chronologie (Scaliger),
épigraphie (Gruter), numismatique (Ant. Augustinus), que
furent inaugurées, par des collections de Scriptores
ou de Leges, les études relatives à l'histoire
nationale des peuples européens pendant le Moyen Âge ;
il suffit de citer pour l'Allemagne les noms de Freher, Lindenbrog,
Goldast, Sichard, Herold ; pour la France, ceux de Pithou
et de Bongars, auxquels succèdent, pendant la première
moitié du XVIIe siècle, les Duchesne, les Du Puy,
les Godefroy.
À partir du milieu du XVIIe siècle,
le goût des idées générales mis à
la mode par les Cartésiens et l'essor des sciences positives
(mathématiques et naturelles) semblent avoir, en France
notamment, détourné de l'étude du passé
beaucoup d'esprits éminents. Néanmoins, les ouvrages
d'érudition historique sont nombreux et les instruments
de travail se multiplient de tous côtés. Les antiquités
classiques, négligées en France, furent surtout
étudiées en Hollande (recueils de Graevius, de
Gronovius, de Vossius), en Italie (Fabretti), en Angleterre (Bentley).
Dans notre pays, ce sont principalement les antiquités
chrétiennes, l'histoire ecclésiastique, civile
et littéraire de la France qui occupent les érudits.
Mais, dès lors, la plupart d'entre eux ne travaillent
plus isolément ; ils associent leurs efforts et leurs
recherches pour entreprendre de grands travaux collectifs. Les
uns, membres du clergé régulier, trouvent, dans
la congrégation dont ils font partie, le lien qui les
unit pour une œuvre commune ; les autres, laïques,
se groupent pour former des cercles littéraires (Lamoignon,
Bouhier) ou des académies placées sous la protection
et la surveillance du pouvoir royal. De là sont sorties
toutes ces collections de textes ou de mémoires, ces histoires
littéraires ou ecclésiastiques qui font si grand
honneur à l'érudition française du XVIIe
et du XVIIIe siècle et qui comptent encore parmi les meilleurs
instruments de travail historique. En un substantiel résumé,
M. Langlois marque nettement la part qui revient, dans ce vaste
labeur, aux membres de la Compagnie de Jésus (Labbé,
Sirmond, Hardouin, en France ; Bolland, Henschen, Papebroch,
dans les Pays-Bas autrichiens), aux Oratoriens (Richard Simon,
J. Lelong), aux Bénédictins de la congrégation
de Saint-Vanne (D. Calmet, D. Ceillier) et surtout de la congrégation
de Saint-Maur (D. d'Achery, Mabillon, Montfaucon, de Sainte-Marthe,
Bouquet, Ruinart, etc.), à la Société de
Port-Royal (Lenain de Tillemont), aux érudits laïques
tels que Ducange, Baluze, H. et A. de Valois, aux médiévistes
qui étaient membres de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres (Lebeuf, Lacurne de Sainte-Palaye, E. de Laurière,
Bréquigny, etc.). Les travaux d'érudition historique
entrepris à l'étranger pendant la même période
sont plus brièvement exposés. M. Langlois signale
surtout, en Allemagne, l'influence considérable exercée
par Leibniz sur les publications de textes (Eckhart, Lunig, Dumont)
et sur les fondations d'Académies savantes ; en Italie,
l'influence analogue de Muratori ; en Angleterre, les travaux
de Rymer, Wharton, Wilkins, Dugdale ; en Espagne, ceux d'Antonio,
etc....
II.
Le second livre, qui décrit l'organisation des études
historiques au XIXe siècle, est à la fois le plus
développé et le plus original du manuel. Après
avoir montré comment, pendant cette dernière période,
le domaine de l'histoire s'est élargi à la fois
« du côté de la très haute antiquité
et du côté des temps modernes », comment
la méthode historique a été « introduite
dans toutes les sciences qui ont l'homme et les phénomènes
de l'esprit humain pour objet », comment enfin, pendant
le dernier tiers du XIXe siècle, l'impulsion donnée
aux études historiques a été plus vive et
plus féconde que jamais, M. Langlois passe en revue, dans
chacun des États du monde civilisé, les divers
organes par lesquels s'est manifestée cette extraordinaire
activité. Il fait voir, preuves en mains, dans quelle
mesure l'intervention des pouvoirs publics d'une part, l'initiative
des sociétés savantes et des corps enseignants
de l'autre, ont contribué à faciliter l'accès
des documents, à multiplier les instruments de travail,
à coordonner et à centraliser les recherches individuelles.
Pour la France, le tableau des efforts entrepris et des résultats
obtenus était relativement facile à tracer ;
on avait à portée de main d'abondants renseignements.
Mais pour les pays étrangers, la tâche était
plus ardue, plus longue, à certains égards entièrement
neuve. Pour obtenir des renseignements précis et complets,
M. Langlois n'a épargné ni lectures, ni correspondances,
ni voyages ; quand il n'a pu contrôler personnellement
les renseignements qui lui étaient fournis par les livres
et les revues de l'étranger, ou quand ces livres et ces
revues étaient publiés dans une langue avec laquelle
il n'était pas familiarisé (idiomes Scandinaves,
russe, grec moderne, etc.), il a pris soin de recourir à
la compétence spéciale d'autres érudits.
Le public français ne peut que lui être reconnaissant
de lui avoir donné, en un clair résumé de
200 pages, une foule de notions qu'il aurait eu grand'peine à
trouver ailleurs. – De ce que contiennent ces 200 pages,
on comprendra que je ne puis donner une analyse, même sommaire.
Je me bornerai à signaler, à titre d'exemples :
dans le chapitre spécial à la France, le tableau
raisonné des publications entreprises aux frais de l'État
par les divers comités ou services institués au
ministère de l'Instruction publique, et par les établissements
d'enseignement supérieur qui dépendent de ce ministère ;
dans le chapitre spécial à l'Allemagne et aux pays
de langue allemande, un exposé fort intéressant
des travaux d'érudition historique dirigés par
les Académies de Berlin, de Vienne, de Munich, et des
travaux d'histoire régionale ou locale dus aux commissions
officielles que subventionnent les Landes-Provinzial ou Kreisregierungen ;
dans le chapitre spécial à l'Angleterre, la constatation
des heureux résultats que donnent, d'une part la libre
initiative des Universités et des sociétés
d'histoire ou d'archéologie nationale, et d'autre part,
l'intervention officielle du Record office, s'attachant surtout
à signaler aux érudits, par des inventaires, les
documents déposés dans les archives de l'État,
dans celles des villes, des corporations et même des familles.
Le grand
mouvement historique qui caractérise le XIXe siècle
ne s'est pas manifesté seulement par le développement,
dans chaque nation civilisée, des études relatives
au passé ; il a donné naissance à des
essais d'organisation internationale que M. Langlois expose dans
le dernier chapitre de son livre. Beaucoup de recherches historiques
d'un intérêt général, qui se poursuivent
parallèlement et isolément de divers côtés,
pourraient aboutir plus rapidement à des résultats
plus complets et plus solides, s'il s'établissait entre
les érudits de chaque nation qui s'occupent de ces recherches
une entente et une collaboration effectives. Aux siècles
précédents, l'exemple de cette coopération
internationale avait été donné, soit par
les Bénédictins, soit par les Jésuites de
différents pays, qui entreprenaient en commun de vastes
publications de textes se rapportant principalement à
l'histoire ecclésiastique. Dans la seconde moitié
du XIXe siècle, ce sont d'abord les revues internationales
d'histoire et de philologie qui ont rapproché les spécialistes
de différents pays en centralisant leurs travaux dans
le même organe de publicité. Puis des congrès
internationaux (Orientalistes, Américanistes, archéologie
chrétienne, histoire générale) ont permis,
à des intervalles réguliers, des échanges
de vues et de résolutions communes. Enfin sont nées
tout récemment des associations internationales permanentes,
encore peu nombreuses, mais qui sans doute iront en se multipliant.
Les grandes Académies ont pris la tête du mouvement.
Déjà en 1892 les Académies de Berlin, de
Vienne et de Munich avaient formé avec la Société
des sciences de Leipzig et celle de Göttingen une fédération
en vue de
travaux philologiques (Thesaurus linguae latinae). Ce
premier groupement, à la suite d'une entente avec la Société
royale de Londres, s'est transformé en une Association
internationale des dix-huit principales Académies du monde,
qui s'est réunie pour la première fois en 1901
et qui a décidé un certain nombre de publications
communes dont les études historiques recueilleront le
principal bénéfice.
Le manuel
se termine par un index alphabétique qui permet de retrouver
aisément les noms de personnes et de lieux, les titres
de collections et de revues qui sont cités dans les deux
parties de l'ouvrage, ainsi que les principales questions qui
y sont traitées.
Bibliographie :
- Mortet (Charles), Ch.-V. Langlois.
Manuel de bibliographie historique, dans Bibliothèque
de l'École des chartes, Année 1905 - 66, pp.
287-292.
30 euros (code de commande
: 00021).
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